Ma première fois à la TV, toute une histoire (de sexe ?)

Tout à commencé par un mail d'Alexia, journaliste chez ReservoirProd. Ils préparaient une émission sur la sexualité des femmes, sur le plaisir décomplexé. Le sujet n'était même pas encore accepté par France 2, rien n'était sûr. Parler de sexe sur la 2 en pleine journée, que de choc pour un public parfois un peu trop "morale-pensante". Et c'est avec la signalétique "moins de 10 ans" que cela a été accepté ;-)

Alexia a adoré mon blog, elle l'a lu en long en large et en travers, nous avons beaucoup, beaucoup beaucoup discuté par téléphone. Nous avons parlé de mon expérience, de mon histoire, de mon blog, de ma sexualité, de ma vision de la vie, de son avis, d'orgasmes décomplexés, de notoriété et féminisme, de sa vision des femmes aujourd'hui, de mon avis sur les hommes en général, sur ceux que je fréquente, sur comment tout à commencé, sur ma quête de plaisir(s), sur R32, sur le monde que j'ai découvert sur Twitter, sur comment me "protéger" à la TV et garder une forme d'anonymat malgré des caméras et un public... Nous avons vraiment beaucoup échangé.

J'ai réfléchi pendant une soirée et une nuit avant de vraiment dire oui. Mon choix était presque déjà fait. S'exposer, au-delà de ma voix derrière un micro chez SudRadio, était-ce une bonne idée ? Savoir gérer les esprits étriqués et jugeurs qui allaient commenter, maîtriser ce que j'allais dévoiler sur moi mais aussi sur eux, sur lui...

Une "mission" ?

Je n'ai jamais eu vocation à changer la face du monde, je laisse ça aux nombreuses personnes qui ont marqué le passé et les encore présentes que j'admire chaque jour, hommes et femmes ; mais au fur et à mesure de la vie du blog, du twitter, des interviews qui arrivaient, des amants que je fréquentais, des sentiments que je pouvais développer pour certains, je me suis investis d'une "mission" (à ma petite échelle, entendez-le bien) : celle d'oser parler des choses qui fâchent ou qui gênent. De la sexualité, du libertinage, d'orgasmes, de fantasmes, de chagrins d'amour, d'humiliation, d'infidélité, de tromperie, de mensonges, de bénéfices, de couples, de personnes normales sans perversion aucune que j'ai pu rencontrer et qui me fascinent et qui m'ont aidé à aller au-delà des clichés et des fausses idées que j'avais parfois... Il arrivera un jour où j'avancera à visage découvert dans cet univers, tout arrive en son temps. Etre libre pour moi, c'est aussi exposer son avis malgré un vent contraire. Si j'attends la facilité, que la société soit plus encline à accepter mes propos et mes expériences, c'est que quelqu'un d'autre aura "combattu" à ma place. Et même si nous sommes nombreuses aujourd'hui à essayer de faire entendre nos voix, il y a encore énormément de travail surtout lorsque je lis les commentaires déplacés, haineux et moralisateurs (mais surtout faux) de l'émission... Et c'est au moins ce que mon amour des mots et ma grande gueule peuvent permettre de faire. Si autant d'hommes (et de plus en plus de femmes) m'écrivent chaque semaine pour me raconter leurs histoires, pour me parler, pour me demander conseil ou juste échanger, c'est peut-être parce qu'ils ont lu, ils ont compris, ils sont passé au delà du jugement facile. Ils ont simplement réfléchi. Eux. Si autant d'hommes m'écrivent sans vouloir me sauter, c'est peut être parce qu'il y a un manque de communication, un mal être évident d'une société trop castratrice sur des sujets intimes de plus en plus vitaux dans un monde qui se dégrade de tout. La perversion n'est pas dans le sexe mais dans l'esprit qui n'y voit que ça...

Si j'avais "simplement" fait un blog sur les pérégrinations sexuelles et sentimentales d'une femme qui se cherche ou qui a eu des aventures, auriez-vous vraiment lu ? Seriez-vous là aujourd'hui à me lire jusqu'au bout et à me contacter en particulier ? Ou est-ce que le fait de mettre en lumière ces infidèles, ces hommes, ces écarts de boulimie que j'ai eu au début, ces chagrins, exposer sexe et coeur, fantasmes libertins et émotions conflictuelles, n'est pas la porte d'entrée à votre intérêt, à celui d'un public plus large ? Après tout, si le marketing domine le monde, ce n'est peut-être pas pour rien... Je n'ai jamais inventé, menti, édulcoré. J'ai raconté ce que le reste du monde ne disait pas, ce que je ressentais, peut-être pour avoir l'illusion que je n'étais pas la seule à penser comme cela. Et c'est ce que le blog, le twitter, les emails, les interviews, m'ont confirmé !

Oui j'ai couché avec des hommes mariés, oui je le fais encore.
Oui j'ai couché avec des célibataires et des libertins, oui je le fais encore.
Oui j'ai eu beaucoup d'amants en même temps, non je ne le fais plus.
Oui je me suis perdue, détestée, non je ne pense plus comme ça.
Oui j'ai eu du bon et du mauvais dans tous les camps.
Mais ici j'ai fait le choix de parler de tout ça, autant au lit qu'en dehors. Pour dépasser les idées reçues pour confirmer des clichés, pour infirmer des a-prioris, pour ouvrir les esprits à ce que la société planque depuis tant de siècles sous couvert d'une éducation religieuse encore trop ancrée même si peu pratiquée... Ma vision n'est pas celle qui prévaut, mais c'est une parmi d'autres. C'est ça le but de ce blog : apporter une vision différente, une voix qui ose parler haut. Avoir un avis différent, montrer que le monde peut être différent. Pas de mission divine ici, mais celle de me libérer et peut être d'en libérer d'autres au passage.

Ma première fois à la TV, toute une histoire (de sexe ?)

L'émission

Je savais que je ne serais pas filmée de face, que seuls mes cheveux, mes mains et peut-être mes jambes passeraient à la caméra. Brushing de rigueur, manucure impeccable, robe savamment étudiée pour être "passe-partout", tout a été réfléchi dans mon attitude, car je savais qu'une fois "lâchée" sur le plateau, je serais à nouveau moi, sans véritable limite pour exprimer tant de choses.

L'équipe a été extraordinaire ! Un accueil au-delà de mes espérances, moi qui avais peur d'être jugée en dehors de la journaliste qui m'avait contactée. Mais au contraire, de l'équipe de tournage à la prod, en passant par les équipes de rédaction, tout le monde savait "qui j'étais". Des félicitations, des encouragements, des "ah ! enfin on va parler de sexe ici !" avec un sourire, la présentation à Laurent Karila le psychiatre à la coiffure folle...

Mise en place, dernier passage de mains dans les cheveux pour se faire belle aux yeux de la caméra derrière moi, une trouille que le public me toise, puis lumières, applaudissements, se redresser dans le fauteuil, se dire qu'on sait pourquoi on est là, qu'il ne faut pas en rougir, qu'il y a tant de choses à dire, que c'est une première expérience déterminante même si on se "cache" car on sait que les gens jugent et qu'on a un travail avec des clients et un patron.

Antenne, 3, 2, 1... "Bonjour à tous..." Sophie Davant se lance, c'est parti, pas de retour en arrière. En scène ma grande, que l'émission commence !

Parler de sexualité assumée

Nous le savons dès le départ : la TV n'est pas forcément la réalité. La parole entendu est orientée, coupée, montée. Je suis assez contente du résultat final car à part la mention de quelques détails (et notamment de ma fréquentation des libertins, sauf une petite mention de A 33 ans à 51min30 ;-)) qui ont été coupés, la production n'a pas changé le discours de fond. Idem pour Marion Favry, qui témoignait avec moi.

Nous le savons, le concept même de l'émission est d'étaler sa vie. On vous demande de raconter vos goûts, votre enfance, les détails, vos blessures, votre vie actuelle. C'est un choix que j'ai fait, celui de saisir l'occasion de m'exposer de mon éducation à mes orgasmes en parlant de mes larmes dans une émission à grande écoute.

Nous le savons également, ces émissions de témoignages s'adressent à un public très large, dans la journée, sur une chaîne publique... Les mots sont donc contrôlés, le but est de sensibiliser et d'informer le reste du monde sur un sujet en particulier et non de détailler en long en large et en travers à l'attention "d'experts" ou de personnes déjà très informées sur le sujet en question. Certaines phrases seront spontanées et peut-être maladroites, d'autres plus généralistes... Il ne faut pas s'arrêter sur cela, nos blogs sont faits pour ces détails.
J'ai pu lire des commentaires regrettant qu'on n'explique pas de méthode pour "jouir à coup sûr"... Imaginez la tête de France TV si on commençait à expliquer précisément comment se doigter ou placer le phallus de son partenaire pour stimuler le célèbre point G ou comment squirter dans une émission diffusée à 15h ;-) Soyons "raisonnables" et surtout compréhensifs. J'avais conscience de tout cela, je suis les mêmes règles chez Sud Radio, qui reste dans le même esprit. Et j'encourage certains médias à oser quand même les sujets encore jugés sensibles sans faire dans le sensationnalisme. J'admire profondément Isabelle Brès de Sud Radio pour son émission qui survole des sujets (en à peine 1h avec certaines contraintes, c'est TRES court) mais qui reste TRES proche des gens et qui s'adapte à TOUS les publics. Communiquer envers tous est la clé pour intéresser, faire connaître, sensibiliser. Ensuite aux autres de creuser un peu plus sur la curiosité et les infos complémentaires...

La seule chose qui m'importait était le mensonge, je ne voulais pas que mes propos soient déformés, et ça n'a pas été le cas. Tout ce qui est dit est pensé et vrai. Pour partager du vécu, une autre vision, sensibiliser peut-être certaines femmes, en révolter d'autres mais au moins faire réagir et réfléchir. C'était le principal.

A 8min dans l'émission, il y a un mini-reportage de micro trottoir qui a attiré mon attention sur 2 points principaux.

> On demandait d'abord aux femmes si elles avaient une sexualité épanouie... Je n'ose imaginer l'aigrie ou la malheureuse qui aurait répondu face caméra "non, avec mon compagnon on ne se touche plus depuis des mois ou des années, c'est l'enfer" ! Par contre on y voit beaucoup de (jeunes) femmes riant de répondre à cette question. Je me suis fait la réflexion suivante : "rient-elles par gêne car on leur parle de sexe ou par fierté d'être dans la bonne catégorie des heureuses ?". Les femmes plus mûres répondent plus sérieusement. Finalement, parler de sexe entre "filles" ou en public, pour une simple question, aussi personnelle soit-elle, reste t'il un sujet frivole ou dont on peut être gêné quand on est jeune ?

> Puis on demande à des femmes de différentes générations si parler de plaisir féminin et de sexe aujourd'hui est tabou. Les réponses sont aussi intéressantes car les femmes mûres affirment que non, qu'aujourd'hui c'est très libéré. A contrario les jeunes femmes disent que le tabou est toujours là, que le jugement aussi, la gêne... L'écart de perception ne viendrait-il pas du fait que les femmes mûres ont soit enfin assumé leur sexualité suite aux premiers combats qu'elles ont elles-mêmes mené pour la cause féministe ou soit parce qu'elles confondent l'overdose de sexe exposé partout avec la véritable image et communication que l'on en fait ?

Vous avez 2h ;-)

Parler de "Lui"

Il était évident qu'en racontant mon histoire je parlerai de lui, de R. 32 ans. En préparant l'émission avec Alexia, il est souvent revenu sur le tapis car être tombé amoureuse de lui, un homme marié, a changé beaucoup de choses dans mon expérience, dans ma vision des choses, dans mon évolution de femme. Au-delà même de sa situation ou de la mienne, c'était important de raconter naturellement que cela pouvait arriver, à des gens normaux comme nous. Quelque soit la situation aujourd'hui, il était primordial que j'arrive à parler de lui en le protégeant. Certaines informations n'obtenaient pas de réponses de ma part en coulisses car des moments nous appartiennent aussi, donc on ne les aborderaient pas sur le plateau.

Il ne m'aura fallu que 30min pour le faire entrer dans le sujet et raconter "notre histoire" qui durera tout le reste de l'émission...

Ma première fois à la TV, toute une histoire (de sexe ?)

Parler d'eux et d'eux aussi...

Il m'était impossible de parler de ma sexualité assumée, libérée et de ma quête de plaisirs et de complicité sans parler d'autres amants, sans parler de fantasmes, sans parler de déceptions aussi. Ne pouvant pas m'étaler et ne voulant pas "perdre" Sophie Davant qui m'avait déjà fait comprendre dès le début que mentionner 2 amants (J. 40 ans, celui par qui tout a commencé et R. 32 ans) était déjà compliqué à suivre ; j'ai fait le choix de ne pas donner de détails.

Mais l'occasion m'a été donné d'aborder très rapidement le BDSM. Et quelle belle occasion que de parler de la relation magnifique et fascinante d'Adriel et Sophie que je n'avais pas encore rencontrés à l'époque mais avec qui j'avais déjà échangé. Un maître et sa soumise, des amoureux profonds, un respect impressionnant, une maîtrise des fantasmes et de la relation D/S ou de la vision de la douleur. Cela n'aura duré que quelques minutes à l'antenne mais c'était un petit défi de pouvoir rapidement mentionner que ce n'était ni des pervers ni des pratiques bizarres...

L'après

"Merci de nous avoir suivi...", antenne terminée, caméras coupées. C'est fini. Sophie Davant vient me remercier et me féliciter chaleureusement pour mon témoignage très intéressant, elle me pose des questions sur ma "vraie vie", Laurent Karila me dit plusieurs fois que c'était super, le public ne me jette pas de pierres et l'équipe est encore plus enthousiaste qu'au début. L'émission est une première, ils n'ont jamais fait ça, parlé de sexe comme ça, ils sont ravis de nos discours sincères et bien expliqués. Bref, ça plait. Tant mieux.

Personnellement je suis aussi fière de moi car je n'ai pas mesuré mes mots malgré quelques lèvres mordues d'avoir été un peu trop spontanée à deux ou trois moments, pour des rires non maîtrisés, pour une phrase maladroite qui n'a fait rire que moi sur le sujet du portefeuille et qui sera détourné plus tard par des esprits mal pensants... Mais cette émission n'est qu'un premier pas, je suis contente, c'est une belle expérience !

Il s'est passé plus de 3 semaines entre le tournage de l'émission et sa diffusion. Et l'angoisse était redescendue. Puis j'apprends le jour et l'heure de la diffusion, je ne serai pas disponible, je regarderai le replay.

L'erreur que j'ai faite a peut-être été d'aller consulter les commentaires sur la page facebook de l'émission avant même d'avoir regardé le replay. Des avis haineux, déplacés, méchants, cruels parfois. Des femmes aigries ou non, qui jugent, qui pensent avoir tout compris ou tout décodé en 1h d'émission Tv sans rien remettre en cause, sans prendre de recul, sans se renseigner, sans même avoir dû regarder l'émission en entier. Des commentaires sur le peu de physique que l'on voit de moi. On me juge forcément moche, mal dans ma peau, malheureuse, utilisée, perverse, psychopathe, voleuse de maris, salope, aux moeurs légères, putain, sans complexe, sans retenue, pathétique, trop bavarde, simple d'esprit, avec une éducation honteuse... Beaucoup de mots sont lâchés. On te prend pour un cliché alors que ceux là même qui commentent le sont. Aucune ouverture d'esprit n'est envisageable.

Après tout, mon but n'était pas de plaire à tout le monde, mais d'espérer avoir transmis un sentiment d'être une personne normale, réelle et qui prône la réflexion, la recherche de bonheur personnel et de plaisir dans une vie où l'on s'est beaucoup oubliées.

Puis d'autres commentaires qui nous défendent, qui nous remerciement même, qui nous félicitent de tant de "courage". Ce n'est pas du courage, c'est la simple conviction que si nous avons trouvé comment être plus heureuses, il fallait oser passer la recette à d'autres quitte à être jugées. Mais ça réchauffe le coeur quand même. Je me souviens même d'une phrase de Laurent Karila, le psychiatre : "C'est un témoignage passionnant !" juste après une de mes interventions. J'avais le sourire aux lèvres, comme une certaine légitimité qui m'était donnée.

On s'énerve un moment, on pleure même, on remet beaucoup de choses en question, on rêve de tout plaquer et on se demande ce qui ne va pas chez soi... Puis on souffle et on dit "et merde ! Des dizaines et des dizaines de personnes m'écrivent chaque semaine pour partager leurs histoires ou me remercient d'exprimer des choses qu'ils ressentent ou qui répondent à leurs questions, c'est bien que je sers un peu à quelque chose en plus de MA volonté de partager tout ce qui m'est arrivé, tout ce que je vis comme transformation amoureuse, sexuelle et sentimentale... Alors je continuerai !"

Ai-je raison ?

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