Sous les orgasmes, ma plus belle histoire d'amour

Je ne sais plus trop comment ça a commencé. Lui se souvient de tout, il a une mémoire que je lui envie... Mon compte Twitter était public à l'époque et il a du s'abonner, liker quelques tweets, commenter quelques photos puis m'envoyer un premier message. J'y ai sûrement porté peu d'attention... mais il a continué. 

Lorsqu'on est une femme, assumant une vie sexuelle libérée sur Twitter, on devient un peu la reine des abeilles, un microcosme se forme autour de nous. Et si on a des copines "du même genre", c'est la timbale ! C'est une vérité qui dérange de l'avouer, on nous traite de prétentieuses. Et pourtant la réalité rattrape vite les idées reçues. C'est ainsi que l'on se fait remarquer, séduire, commenter, liker... parce que nous osons exposer ce qui est souvent caché entre deux journées de bureau ou sous les jupes des "maîtresses" en tout genre que vous ne soupçonnez pas chez votre voisine souriante. Et parce que la gente féminine de notre attitude dévergondée attire les hommes et femmes en mal de perdition, nous nous retrouvons souvent centre de l'attention et ne savons plus à quelle message nous vouer. Certains se perdent par manque de volonté, par approche maladroite ou vulgaire, par mauvais timing et tant d'autres excuses et explications qu'il faut donner pour justifier le silence d'une égérie devenue pétasse dédaigneuse. Puis parfois, ils ou elles ne jugent pas notre absence de réponse, certains continuent, insistent ou se glissent intelligemment dans nos vies sans agiter le drapeau bite mais bien en souhaitant caresser notre masque, fixer nos yeux derrière chaque épiderme exposée... Ces moments là, ces gens là, lorsqu'on les remarque enfin, nous donnent une force incroyable qu'ils ne soupçonnent pas. Ces personnes que l'on pensaient uniquement intéressées par notre cul offert à la première expérience, prouvent leur valeur tels des Indiana Jones ayant réfléchi judicieusement.  

Je me souviens de son premier mail par contre, même s'il ne le sait pas. Même s'il croit que j'ai oublié. Mais il est marqué d'un petit favori sur une boîte que j'ai beaucoup négligée. Intitulé "Vous lire". Le vouvoiement peut être lascif comme il peut être incroyablement enflammant. Je me souviens de son approche honnête, lui père et mari infidèle, lui l'homme également qu'il avait abandonné au fil des années, tentant de m'expliquer simplement qui il était pour que je ne fuis pas, pour que j'apprenne ce que j'aime le plus : le comprendre. Le pourquoi du comment. Je me souviens de son "ne vous méprenez pas", du "la femme que vous êtes", du "j'aime vous lire", du "Une femme sachant écrire ses désirs est certainement la plus attirante qui soit", de son "bien à vous" signé de son vrai prénom...

Je me souviens ne pas avoir répondu. C'est prétentieux à dire mais il était un mail parmi les autres, certes bien formulé mais atterissant sur une pile de réponse à faire dans une vie très chargée à l'époque et perdue. Arrivant en plein tumulte d'un amant trahissant ma confiance, de son ex menaçante et harcelante, de personnes nocives et d'une charge professionnelle prenante. 

Puis les échanges se sont faits au fur et à mesure, par persévérance de se faire remarquer sûrement ou de courir après mes mots peut-être. Une rencontre proposée, une fois, peut être bien deux d'ailleurs. Un refus puis une période horrible à traverser. Je n'avais rien à perdre. Il n'y aurait pas de rencontre pour le sexe ou la séduction. Adieu les infidèles à cette époque. Trop de risques, trop de malheurs face à ceux qui trahissent et te vendent en pâture comme responsable de tous leurs maux et de leurs travers, trop de douleurs et de doutes. 

Nous étions en juin, la chaleur était infernale et les désirs bien enfouis. J'avais donné rdv dans un bar juste à côté de chez moi, pensé qu'au mieux j'y gagnais un verre pour m'aérer la tête et au pire un rdv écourté pour rentrer sous la douche fraîche. Depuis la découverte de ma vie libertine et des premiers rendez-vous pas toujours concluants, je réfléchissais toujours à une porte de sortie polie, à une distance raisonnable. 

J'ignorais qu'il venait de si loin, d'où son énorme retard qui m'a permis de tester 3 terrasses avant son arrivée. Bien que je n'ai jamais eu aucun problème ni remord à parler de sexe, infidélité ou franchise en pleine population bondée, je me suis dit que ça pourrait le mettre mal à l'aise. C'est armée de ma petite jupe marron, perchée sur mes talons et avec mon haut en voile transparent que je l'attendais à 10 mètres de chez moi sans qu'il sache se trouver si près du but. 

Il était en jean et tshirt, sous la chaleur écrasante et le stress du retard, pas très grand, ne se tenant pas très droit et pas assuré comme les 3/4 des pseudo amants-libertins que j'avais rencontré par le passé, affichant leur virilité d'assurance endurante qui me faisait toujours marrer intérieurement. Nous nous sommes assis à l'intérieur d'un restaurant-bar pas loin que je n'avais jamais fréquenté et qui deviendra par la suite, ma cantine pendant 2 ans. Nous étions peu et donc tranquilles, grandes baies vitrées ouvertes pour laisser passer le vent et lutter contre la l'écrasante chaleur de la soirée naissante. Un verre et une planche de gourmandises commandées, nous pouvions discuter.

Je crois avoir toujours commencé mes discussions avec mes rencontres par "alors... pourquoi es tu infidèle ? (ou autre "qualificatif" au choix selon le profil). Une façon pour moi d'annoncer la couleur : je veux comprendre, je veux savoir, je veux te voir toi et pas un pseudo ou une image. Plaçant ma main sous mon menton, penchant légèrement la tête de côté avec mes cheveux longs détachés qui me faisaient flamber le corps, je l'écoutais un peu hésitant, déstabilisé mais semblant lui-même. Il me racontait pourquoi, qui, comment, avec qui, où, parce que... Lui se souvient des détails, des sujets, des réponses, des attitudes... Je ne me souviens surtout que de ces yeux que j'aimais sonder. De ses lèvres que je m'étais défiée d'embrasser à la fin. De ses mots qui commencèrent à me toucher lorsque moi j'essayais de toucher sa jambe, sa cuisse, sans sentir aucune réponse.

3h plus tard je lui proposais de le ramener à sa voiture et lui devenait "un homme" en osant m'embrasser, en me défiant de ne pas s'arrêter là, en se redressant, en ne pliant pas si facilement... Je ne l'ai pas remarqué le premier soir mais ses yeux verts deviennent gris lorsqu'il me désire, lorsqu'il me chasse. Pourtant, ce changement est si évident, comment n'ai-je pas pu le remarquer ce soir là ? J'ai pourtant bien remarqué ses mains et ses caresses changeantes, sa respiration, la poigne plus ferme, la détermination plus forte et bien évidemment une bosse explosive au sud.

L'ascenseur a été bref mais témoin de nos baisers mordants, ma porte... de nos mains glissantes, mon entrée... de nos hauts tombés sur le sol, puis tout l'appartement... de 3h supplémentaires d'union, de fusion, d'orgasmes, de discussions, de pauses, de rires, de cris, de gémissements, de soupirs, de ventilateur épuisé, de douches à peine rafraîchissantes, de nos premiers moments... peut-être même du moment où il s'est dit que c'était ici et maintenant que sa vie allait changer. Peut-être du moment où j'ai été à nouveau heureuse le temps d'oublier. Peut-être d'un des très rares moments où je n'ai pas aimé qu'un amant parte de chez moi, me quitte, pour rentrer dans le lit d'une autre. Peut-être d'un moment où je me souviendrais toujours de son envie de ne pas partir, de ne pas me quitter, de me baiser encore, de me faire jouir encore, de m'embrasser encore, de m’enlacer encore, de me regarder encore, de me parler encore, de m'écouter encore, de me découvrir encore. De nous découvrir. 

Ce soir là, je l'ai pris comme ce qu'il a été pour moi au début : une belle rencontre, une belle soirée, une superbe succession d'orgasmes avec un amant très doué. 

L'histoire n'aurait pas forcément continuée s'il ne m'avait pas envoyé une lettre chez moi. Ce sera la première d'une série, je les ai toutes gardées et lues de nombreuses fois et pas seulement parce qu'il a une belle écriture mais parce que ses mots... ses mots... si vous saviez comment sont ses mots sur moi, sur nous... Si vous saviez, vous aussi vous voudriez vivre ça. Vous seriez prêt.e à abandonner vos convictions pour essayer d'y croire jusqu'à ce qu'il vous dise et prouve que ce n'est pas la peine puisque vous, la vraie vous, lui plait telle qu'elle est. Je ne pensais même pas que c'était possible dans la vie réelle. Tomber amoureux est si facile parfois mais aimer peut-être un enfer de construction personnelle. Et lui, il a ouvert les yeux sur sa vie ce jour là. Il n'a pas tout quitté pour moi mais pour lui. Pour arrêter de survivre et enfin vivre. 

Ce soir là, il me le répète souvent, il a réalisé qu'on pouvait l'aimer pour ce qu'il était. Lui aussi cherchait sans le savoir. Cherchait l'imperceptible vérité incandescente de vouloir être accepté sans le masque. 

Et aujourd'hui, il m'offre ma plus belle et longue histoire d'amour. Il s'est inscrit auprès de quelques rares personnes comme une de mes âmes soeur. Il m'offre des orgasmes d'amour. 

Et parfois je souris. Il ne sait pas pourquoi même s'il me le demande. Mais je souris de penser que ma plus belle histoire d'amour est née d'une soirée pleine d'orgasmes et de révélations dont je n'espérais qu'un verre rafraîchissant. Alors je souris bêtement même s'il m'arrive aussi de crier, de pleurer, de tourner le dos, de râler, de lever les yeux au ciel mais aussi de rire, de jouir, de rêver, de croire... Je souris aussi. Et j'aime. Encore et encore. Lui et d'autres. J'aime. 

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