Je suis une Ferrari.
Pas pour ses belles courbes, son prix haut de gamme ou sa fabrication de luxe mais pour sa puissance et les options qu'elle propose. Lorsque vous avez une Ferrari ou que vous voulez en avoir une, qu'elle vous fait envie, vous rêvez de conduire à toute bersingue sur les routes, cheveux au vent, dos collé au siège. Vous rêvez aussi de ressentir la puissance du moteur, d'entendre son bruit qui vous jouit aux oreilles sans complexe ou de frimer intérieurement parce que vous avez un modèle que les autres n'ont pas.
Je suis cela. Je suis une Ferrari pour mes amants infidèles. Peut-être un peu pour les libertins aussi, mais surtout pour les infidèles. Je me donne sans compter. Je les colle au siège de mes envies, de ma puissante passion. Je leur fait entendre mes gémissements de plaisir sans me contenir. Je les affiche dans des articles et tweets de compliments sur leurs "compétences" et ce qu'ils me donnent. L'égo est contenté. Vous le voyez le pilote fier au sourire large et aux lunettes de soleil ? Surtout pour les amants qui comptent. Pour ceux qui me marquent. Pour ceux qui voulaient bien plus qu'un seul tour de piste. Pour ceux à qui j'ai donné bien plus que mon cul et mon sourire. Ceux qui ont eu un bout de mon coeur, de mon âme aussi parfois. Car finalement, on aime de plusieurs façons possibles.
Et croyez-moi, ceux qui comptent, ceux qui ont compté, ont largement aimé tester toutes les options lors des premiers tours. Mais à terme, la puissance lasserait-elle ? Une relation plus médiocre devient-elle inévitable ?
Je suis une Ferrari oui, que ces amants utilisent comme une break familiale.
Limitée. Triste constat dit comme cela...
Récemment, une belle pomme a écrit : "Je ne dois pas me laisser porter par le vent, oublier de freiner et me cogner à la parenthèse qui se ferme. Je ne dois pas confondre désirs et réalité. Je ne dois pas laisser de place aux sentiments qui naissent.". C'est amusant à quel point c'est aux antipodes de ce que je suis, de ce que je peux et veux ressentir. Et à la fois, à quel point je la comprend et me force à appliquer cette confession pour protéger la carrosserie fragile que je suis. Car si le rêveur de grandeurs ne sait pas profiter de toutes les options qu'on lui propose, vaut-il le coup que je m'investisse autant ?
Puis elle écrit aussi : "Je ne dois pas donner ce qu’on ne me rendra pas et risquer ainsi le déséquilibre qui sonnera la fin de la récréation.".
Déséquilibrée. C'est ça que je ressens. Tout comme une belle voiture qui est ravie qu'on la sorte du garage pour se faire mener par un homme qui semble être un pilote compétent et ambitieux, je frétillais de passion. L'envie de donner, de tout donner était immense. Et cela a généré la même envie de l'autre côté. Le pilote était aux anges d'essayer ce qu'il ne pouvait pas avoir avant. Comment ne pas apprécier quand on vous cède le désir, le plaisir, la jouissance et le partage ? Mais l'équilibre. L'équilibre est une notion fragile et vacillante.
Ne pas donner pour recevoir, c'est une notion que la vie nous apprend malgré nous. Dans un monde où nous serions tous Jésus ou Mère Thérésa, cela ne poserait aucun souci. Mais qu'en est-il d'aimer donner pour créer l'envie qu'on aime vous donner également ? C'est primordial de mon côté. En tant que Ferrari je donne beaucoup, j'aime donner beaucoup à ceux que j'en estime dignes. L'équilibre des forces, de la relation, de l'égo, du plaisir, demande aussi à ce que l'autre aime autant vous donner et vous faire plaisir. Où serait la complicité si le pilote ne pensait pas au bien-être de son bolide et se contentait de passer les vitesses sans réfléchir ? Ou s'il se limitait de peur d'abîmer la voiture ? N'est-ce pas comme cela qu'il réduirait sa relation avec la Ferrari et la priverait de tout le bonheur de créer des instants magiques à répétition ?
"S’ils savaient que malgré tout, malgré moi, je m’attache, je ressens, j’espère et pire, j’attends ?" dit ma pomme chérie.
On nous enseigne que les moments de bonheur intenses sont rares et qu'ils ne peuvent pas être répétés. Et si pourtant, même avec l'évolution d'une relation, c'était toute la beauté et l'avantage de l'adultère ? "J’ai avancé dans un sens mais tu as marché dans l’autre ! Pourquoi ne m’as-tu pas suivi ?" confie mon amie. Oui c'est vrai. Pourquoi n'as-tu pas osé me suivre ? Je m'attache. Je ressens. J'attends. C'est vicéral. Je veux vivre et exulter de tant de possibilités. De tant d'options que l'on m'a intégrer pour toi.
Et comme dit ma chère douce et tendre pomme : "Est-ce que quand on change les règles, on change aussi le jeu ?". Bonne question. Alors j'ai changé le jeu. J'ai rétrogradé les vitesses. A mon plus grand malheur, j'avais le choix de quitter la piste de jeux ou de rouler moins vite, moins souvent, avec plusieurs concurrentes... N'être que celle que l'on sort de temps en temps quand on a envie d'un petit frisson et d'un moment "parfait". J'ai accepté ce jeu en sachant qu'il me lassera. Que mon respect s'en va. Que la déception pour le conducteur, est là également lorsque l'on pense trouver un pilote, certes occasionnel et attaché ailleurs, qui aime jouer à fond avec nous, et qui refuse ces moments forts.
Conduire une Ferrari n'est pas donné à tout le monde. Il faut le supporter. Il faut apprendre à apprécier à "long" terme. Il faut s'en donner les moyens. Il faut aimer la rendre belle et heureuse. Lui donner son éclat et la liberté de sa passion.
"Sur le fil alors, deux voies s’offriront à toi. Avancer avec moi, confiant mais distrait, aussi loin que l’on puisse arriver. Ou prendre ma main… Qui donc pourrait l’avoir, cette improbable audace de vouloir régler son pas sur le mien ?" termine cette jolie pomme toute réfléchie et passionnée.
Chercher son ou ses pilotes courageux, audacieux, vivants. Je crois que c'est un peu cela le syndrome de la Ferrari. Non ?