J'aurai du avoir un jumeau ou une jumelle. Pas un(e) vrai(e) mais cela explique peut-être quand même pourquoi je me suis toujours sentie incomplète, pourquoi je vis à outrance. La nature est bien faite dit-on. Si l'on suit ce raisonnement, c'est alors une bonne chose que je n'ai pas eu cette partie de moi ? Je ne sais pas... J'ai grandi avec ce manque, un espèce de vide de me rattacher à quelqu'un. Pendant des années j'ai été très possessive avec mes "meilleur(e)s ami(e)s". Il fallait que notre relation soit fusionnelle. J'étais toujours là, à m'oublier totalement pourvu que l'autre soit bien. Il fallait que je comble, que j'apporte, que je me sente utile. J'étouffais l'autre littéralement... Avec le recul je le vois. Encore aujourd'hui, si j'ai réussi à travailler sur cet aspect dans mes amitiés, en rencontrant aussi des profils différents, qui m'ont rendue plus autonome, plus cash, plus libre, c'est un point que je dois accepter de relâcher dans mes relations "intimes". Faire corps avec quelqu'un n'a jamais autant pris son sens avec moi. Beaucoup de mes ex ou amants m'en ont fait le compliment : "tu donnes tout, c'est fascinant, c'est plaisant, ça fait de toi une personne si entière et une amante si exceptionnelle". Mais l'envie de recevoir tout autant peut bouffer. Le besoin parfois. On se perd. On donne pour le plaisir de donner, de se sentir utile, de voir cette jouissance (de vie, d'intimité, d'amitié, de complicité, de tendresse, d'accompagnement, de sexe) dans les yeux et le corps de l'autre. Cela ne veut pas dire que je donne pour recevoir, mais j'ai envie que l'autre ai envie de me donner autant. Serait-ce un égoïsme caché ?
Vivre pour deux. A cela, mon père a souvent eu l'indélicatesse de me rappeler à peu près tous les jours que j'étais la "cinquième roue du carrosse". Peut-être que c'est une expression que vous connaissez. Le fait que j'ai pris trop de place et "poussé" mon jumeau ou ma jumelle dehors, était aussi ressorti de temps en temps, avec humour, sans méchanceté, sans se rendre compte de l'impact sur une gamine. Cela n'enlevait rien à son amour et à l'enfance heureuse que j'ai eu l'immense chance d'avoir, mais ajoutait au besoin de me remettre à ma place. Moi la petite dernière ne devait pas piailler d'impatience. Vivre pour deux et désormais prendre de la place pour être sûre que... Que l'on m'entende. Que l'on me voit. Que l'on me remarque. Et surtout... que l'on ne m'oublie pas.
Vivre pour deux, dans son corps et dans son poids. Dans sa gorge et dans sa voix si forte. Dans son attitude gentille et si vache à la fois. Dans son envie de tout, tout le temps, tout de suite. C'est aussi peut-être pour cela que je gère mal la frustration, que les jeux ne m'amusent qu'un temps. La peur que l'on apprécie beaucoup plus la joueuse que la vraie. Car après tout, qui pourrait aimer une personne qui prend autant de place, parle aussi fort, dit tant de choses, est tout le temps là... ? Je l'ai pensé pendant si longtemps qu'aujourd'hui il m'est encore difficile de me sortir ça de la tête. Comme une résonnance de gong en fond d'écho.
Dans ma famille nous sommes tous très proches, très soudés. Nous le devons à ma mère. Cette aimante, cette femme forte, cette excellente "second" comme elle dit. Mon père et ses blessures d'enfance également, élevé à l'école militaire, était un homme très expansif mais la démonstrativité des sentiments était largement à revoir. C'est ma mère qui lui a "enseigné" ça. Ma grand-mère non plus n'était pas un exemple de décadence de l'affection, mais il ne se passe pas une seule fois quand je l'ai au téléphone désormais, sans finir par deux ou trois "je t'aime" à la fin.
Je t'aime. Ce ne sont que des mots finalement, mais chacun y met ce qu'il veut derrière. Pour moi ils veulent dire énormément de choses. Que je suis amoureuse, que je suis bien, que je tiens à toi, que tu comptes si fort, que t'enlever à moi me ferait du mal, qu'à ce moment là tu me rends heureuse, que j'aime du fond de mon âme ou tout simplement que tu es une personne chère à ma vie. Tant de significations. Pourtant je me suis retenue. Enormément retenue. Avec des amants, avec des amis, avec des confidents. Ces mots si subjectifs et propres à chacun peuvent faire peur. Car s'attacher fait peur.
La peur... Mon dieu que j'en ai des peurs. Des peurs d'avant, des peurs d'il y a trois ans, des peurs d'aujourd'hui.
Aujourd'hui une de mes peurs est qu'il m'oublie, lui aussi, ou lui. Pourtant j'ai fait assez de bruit, assez de jouissance, assez de prises de têtes. Peur qu'il déprécient nos souvenirs. Lui l'a bien fait, je suis désormais qualifiée de manipulatrice alors que j'ai été celle qui avait changé sa vie. Peur de sa lâcheté, dont j'ai subit les affres encore récemment. Peur de réaliser son fantasme à deux femmes. Et s'il préférait ce moment à trois que nos moments à deux, si je devenais moins intéressante, s'il voulait la revoir elle, si, si, si... Peur qu'il s'éloigne comme il a déjà commencé à le faire, comme il a fait avec une autre avant même s'il dit le contraire. Peur de leur égoïsme parfois, pas seulement aux amants, aux amis aussi. Peur de mon physique, que je perds à nouveau alors que j'ai tant lutté pour lui, mais ça, ça va changer. Peur de mes idéaux qui se dessinent de plus en plus et qui peuvent gêner, mettre mal à l'aise. Aurait-on le courage de me le dire ? Peur de ne plus ressentir. J'ai tellement joué avec mon coeur, mon corps et mon âme ces dernières années... Et si désormais j'avais atteint mon quota ? Peur d'être usée, fatiguée, pleureuse. Peur du bonheur comme je l'espère aussi, mais pas peur de vouloir y accéder. Fière de me connaître comme jamais auparavant, l'anti-peur de moi-même. Je n'ai jamais été aussi "heureuse" de savoir qui j'étais. La peur d'être jugée ne m'atteint presque plus depuis cette dernière année, grâce à tout ce que j'ai découvert et accepté sur moi. Du côté sombre comme le public.
Peur... La peur de ne pas être unique. C'est probablement celle qui prend toute la place. La place. Pourtant prendre de la place je sais faire. C'est mon meilleur talent. Mais ma peur a copié mon caractère, s'est insinuée dans les plus petites parties de moi pour y placer des graines. Des graines de trouille. Des graines de flip. Des graines d'angoisse parfois.
C'est amusant d'avoir ce genre de peurs quand on est "libertine", ou libérée, appelez cela comme vous voulez. Et que l'on veut un peu plus d'exclusivité désormais. Pour moi ce n'est pas synonyme de peur de perdre sa liberté, au contraire, c'est le symbole d'une peur de multitudes que j'aimera combattre pour le moment. S'il y a bien une chose que j'ai apprise avec mes fréquentations en plus de 3 ans, c'est bien que la peur tue tout. C'est la peur qui mène les infidèles à l'être et les couples à foirer. La peur de l'autre, de soi, de ses réactions, des nôtres, la peur de communiquer, de s'exposer, de perdre, de devoir choisir, la peur de faire face, la peur de dire, la peur de ne pas faire, la peur de ne plus être heureux, de passer à côté, d'être délaissé, la peur d'être préféré ou de préférer ailleurs aussi, la peur de ne pas plaire, la peur de déplaire, la peur de décevoir, de se décevoir aussi, la peur de blesser, de tout foutre en l'air, de reconstruire, la peur du changement, la peur de la lassitude, la peur d'être seul, la peur du regret et du remord aussi. Il y a aussi de cette peur chez les libertins, les poly-amoureux, les couples classiques, les célibataires, rassurez vous, ce sont tous des humains !
Cette saleté atteint tout le monde décidément. Mais la peur n'aura pas raison de moi. Qu'elle soit seule ou à plusieurs. Je sais qu'elles sont là. Je les ai identifiées, et croyez-moi, cela m'aura pris du temps. Vivre avec ses peurs et arriver à vivre, non survivre, c'est probablement la plus belle réussite que l'on puisse atteindre. Alors j'y travaille. Dans ma vie personnelle, pro, intime. Et bordel que c'est dur !